Chronique du 25 août 2025
24 août 2025Chronique du 1er septembre 2025
Accueillir les éclats
par un adhérent du M3P
« Il ne s’agit pas de réparer ce qui est brisé, mais de créer un espace où les morceaux peuvent respirer. »
— Anonyme
Il arrive qu’on nous demande : « Alors, ça va mieux ? »
Comme s’il s’agissait d’un avant et d’un après.
D’un problème à résoudre. D’un sujet à remettre d’aplomb.
Mais il n’y a pas de ligne droite.
Pas de progression linéaire, pas de reconstruction rapide.
Souvent, le patient arrive en morceaux.
Parfois conscient de ses failles, parfois sans mots pour les dire.
Et notre tâche n’est pas de coller ces morceaux selon un modèle de normalité,
mais de les accueillir, tels qu’ils sont : disjoints, contradictoires, tremblants.
Une clinique des éclats
Le soin psychique, lorsqu’il est vivant, ne vise pas à gommer.
Il ne cherche pas à lisser, à ranger, à simplifier.
Il s’ouvre à l’ambivalence, à ce qui coexiste sans s’aligner.
Il accueille la peur et le désir dans un même souffle.
La honte mêlée à la tendresse.
La rage et la vulnérabilité, côte à côte.
Il ne recolle pas trop vite, parce que recoller trop vite, c’est parfois trahir.
C’est refermer une plaie sans la nettoyer.
C’est imposer une cohérence là où il faudrait d’abord entendre le chaos.
Ce que soigner veut dire
Soigner, ce n’est pas réparer.
Ce n’est pas ramener le sujet à une supposée complétude.
C’est créer un lieu où il peut exister avec ses fissures.
Un espace où le morcellement devient dicible, pensable, partageable.
C’est faire place à l’histoire qui ne s’est jamais racontée.
À la sensation qui n’a jamais trouvé de nom.
À l’angoisse sourde qui n’a jamais été entendue.
Et cela demande du temps.
Une présence.
Une hospitalité.
Résister à la tentation de recoller
Dans une époque qui cherche des solutions rapides,
nous sommes souvent sommés de « faire aller mieux »,
de « produire du changement », de « rendre fonctionnel ».
Mais cette injonction à la réparation,
c’est parfois un refus du sujet tel qu’il est :
fragmenté, traversé, en mouvement.
Résister, c’est ne pas se précipiter.
C’est accepter de rester dans le flou, dans l’entre-deux,
là où quelque chose commence à émerger, mais pas encore à se dire.
C’est dire à l’autre :
Vous avez le droit d’être en morceaux. Et je suis là, avec vous, pour faire place à cela.
Une clinique de l’hospitalité
Il n’y a pas de solution unique.
Mais il y a des espaces.
Des temps partagés.
Des regards qui ne fuient pas.
Des silences qui ne jugent pas.
La psychothérapie, dans sa forme la plus humble et la plus puissante,
n’est pas une réparation mécanique.
C’est un lieu d’hospitalité psychique :
Un lieu où les morceaux du patient ne sont ni niés,
ni forcés à s’assembler.
Un lieu où ils peuvent coexister,
respirer,
peut-être s’organiser autrement.
Et, ce n’est déjà pas rien.