Réponse du M3P à l’Académie Nationale de Médecine
4 mars 2022Communiqué M3P
11 mars 2022A l’attention des médecins généralistes libéraux
Suite aux récentes annonces du Président de la République quant au futur remboursement des consultations de psychologues libéraux, nous souhaitons vous manifester notre intention de boycotter ce dispositif.
En effet, ces mesures ont été adoptées récemment par le gouvernement (Amendement N°2283, le 22 octobre 2021) et consistent à « renforcer l’offre de soutien psychiatrique et psychologique de la population », par le biais d’accès à des consultations psychologiques en ambulatoires.
Nous, psychologues, boycottons le dispositif de remboursement par la CNAM de nos consultations pour les raisons déontologiques, à savoir :
- L’obligation pour le patient de partager sa difficulté auprès d’un médecin de famille qui comme son nom l’indique, suit toute la famille du patient.
- La prescription médicale obligatoire alors que la profession de psychologue n’est pas une profession médicale ni paramédicale.
- La discrimination du dispositif par des critères d’inclusion très restrictifs (à partir de 3 ans), difficultés anxio-dépressives d’intensité légère à modérée uniquement, absence d’antécédent psychiatrique ou neurologique, absence de traitements psychiatriques ou neurologiques.
- Une durée de consultation bien trop courte (les 40 minutes évoquées ne seront pas réalisables au regard de la tarification), ne permettant pas d’accueillir correctement la parole du patient ni de mettre en place d’action thérapeutique efficace et ce, quelle que soit l’obédience du psychologue en question (EMDR, TCC, Psychanalyse, etc…).
- Un nombre maximal de séances limité dans le temps (8 séances), rendant l’activité du psychologue soumise à une temporalité définie par les obligations de ce dispositif et non libre en fonction du soin psychique à réaliser. Par an, après évaluation initiale par le psychologue, le patient dispose d’approximativement 3h30 pour aller mieux.
- Un rendement de consultations ne permettant pas du tout la récupération psychique du praticien lui-même et qui pourrait impacter gravement sa propre santé psychique.
- Une tarification qui ne correspond pas à la réalité de l’activité en libéral et des charges plus que considérables à payer.
- L’impossibilité de maintenir le secret professionnel, l’information recueillie en consultation devant être partagée entre praticiens lors des échanges professionnels et en guise de justification auprès des organismes de financement (Assurance maladie ou ARS). Rappelons que le psychologue n’est pas un médical, paramédical ou auxiliaire médical et a pour obligation le secret professionnel.
Avis 21.06 rendu par la Commission Nationale Consultative de Déontologie des Psychologues, le dispositif « compromet la possibilité pour le psychologue de se conformer aux principes précités sur 2 points majeurs » : « L’accès direct et libre des patients au praticien de leur choix » et « la responsabilité pleine et entière de la méthode ».
Voici une liste non exhaustive des implications impactantes pour le médecin traitant :
- L’évaluation initiale et de suivi engendrera un savoir-faire et savoir être du médecin traitant au moins égal à celui du psychiatre et nécessitera une formation aiguë (à ses frais) à l’évaluation psychiatrique et au recueil de la parole.
- La consultation comprenant l’utilisation de l’outil d’évaluation en question, PHQ9/GAD7, nécessitera un temps supérieur à 30 minutes. Cette importante augmentation du temps alloué à ces consultations impactera largement le temps de consultation médicale général.
- Une augmentation du délai d’attente des consultations et du temps de consultation (pour motif psy).
- Un délai d’attente augmenté des consultations médicales somatiques, parfois dans un contexte géographique déjà inégalitaire concernant l’accès au soin (zones de désertification médicale).
- Un temps à allouer aux échanges et transmissions d’informations avec le psychologue, supprimant au passage toute confidentialité pour le patient.
- Un conflit de loyauté concernant la prise en charge psychique de plusieurs membres d’une même famille, rendant souvent impossible la confidence de patients vis-à-vis du risque (même imaginé) de non confidentialité.
- Une difficulté d’orientation de plusieurs membres d’une même famille auprès de différents psychologues, sans pour autant trahir la confidentialité vis-à-vis de l’un ou l’autre des patients.
- Un bon repérage des différents adressages possibles car il n’est pas possible d’adresser deux membres d’une même famille au même psychologue.
- Une surcharge cognitive liée au recueil et au secret médical face aux confidences des patients appartenant à une même famille.
- Une surcharge cognitive liée à tout ce parcours d’orientation psychologique en fonction des nombreux critères d’inclusion et d’exclusion des patients.
- Une surcharge administrative redondante liée à la moindre erreur sur la prescription médicale qui entraînera le retour du patient au cabinet du médecin. Cette prescription devra respecter scrupuleusement les critères d’inclusion et les règles de bonne cotation.
Il incombera au médecin traitant d’expliquer au patient pourquoi celui-ci se voit refuser l’entrée dans le dispositif et aura à faire face à son éventuel mécontentement.
Un risque non négligeable pour les médecins d’enfoncer le pied dans la porte d’une activité seulement salariée.
Le psychiatre ou pédopsychiatre devient le seul référent des pathologies psychiatriques. Nous savons que l’accès à un psychiatre (qui visiblement verra son activité s’accroître) ne se fait pas aisément dans beaucoup de régions de France et encore moins dans les zones de désertification médicale, ce qui laisse à penser que les patients psychiatriques, dont l’alliance thérapeutique est parfois compliquée à obtenir dans le temps, seront en errance médicale car ne pouvant pas être pris en charge autrement.
Devant l’ensemble de ces éléments, nous ne pouvons que nous préoccuper de la tournure des modalités de ce dispositif.
Nous tenons à vous faire savoir que la majorité des psychologues , ainsi que les organisations représentatives entendent refuser de participer à ce dispositif si celui-ci reste en l’état actuel.
Pour plus d’informations, contactez le M3P à l’adresse suivante : m3p.association@gmail.com