Tribune « Mon Soutien Psy La fausse réponse au vrai problème de santé mentale »
1 mai 2025Réaction aux propos d’Emmanuel Macron, le 13 mai 2025
« Les psychologues ont refusé de rentrer dans le forfait car en ville, ils gagnent plus. Il n’y a pas une culture de la coopération entre les psychologues et les psychiatres, en tout cas elle est encore défaillante et parce qu’il y avait une psychologie libérale, dont on a besoin, qui joue un rôle mais qui n’est pas rentrée dedans. » E. Macron, 13 mai 2025, intervention TF1.
Non, Monsieur le Président, vous n’avez toujours pas compris.
– et ce n’est pas faute de vous l’expliquer depuis 3 ans ! –
Le dispositif « Mon soutien psy », tel qu’il est actuellement conçu et appliqué, ne constitue ni une réponse sérieuse à la crise de la santé mentale, ni une reconnaissance digne de la profession de psychologue.
C’est pourquoi une large majorité de psychologues boycotte ce dispositif.
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Un échec en matière d’accès équitable aux soins
Malgré un investissement de 170 millions d’euros sur trois ans, « Mon soutien psy » n’a bénéficié qu’à moins de 1 % de la population, et surtout, il a échoué à atteindre les publics les plus précaires, pourtant les plus concernés par la souffrance psychique. Seuls 11 % des bénéficiaires relèvent de cette catégorie. Ce budget aurait permis de financer entre 2000 et 2500 équivalents temps plein (ETP) de psychologues dans les Centres Médico-Psychologiques (CMP), où les besoins sont criants. Ce choix budgétaire révèle une stratégie inefficace et socialement injuste.
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Une logique de communication au détriment du service public
« Mon soutien psy » s’inscrit dans une politique de renoncement de la restauration du service public de santé mentale. Il s’agit d’un dispositif vitrine, conçu davantage comme un outil de communication politique et de séduction électorale que comme une réforme structurelle. En fléchant les fonds vers un dispositif externalisé, le gouvernement se décharge de sa responsabilité vis-à-vis des institutions publiques, qui, elles, auraient besoin d’une refonte profonde et d’investissements massifs.
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Un mépris des compétences du psychologue et une dénaturation de la pratique
Les critères d’éligibilité de « Mon soutien psy » excluent près de 90 % des patients reçus en libéral. Le psychologue y est réduit à un simple exécutant psychotechnicien destiné uniquement à prodiguer un soutien psychologique, niant l’accueil inconditionnel de la souffrance psychique qui fonde notre pratique, mais également les compétences des psychologues. Ce dispositif impose une standardisation déconnectée des réalités cliniques, où le soin psychique devient un acte formaté, dépersonnalisé, envisagé uniquement sur le modèle biomédical.
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Une tentative insidieuse de paramédicalisation de la profession
« Mon soutien psy » est le cheval de Troie d’une transformation profonde de notre métier : une paramédicalisation rampante. La mise sous tutelle du corps médical, à travers un pilotage hiérarchisé et normatif, réduit le psychologue à une fonction subalterne. Il s’agit d’une réponse à moindre coût à la pénurie de psychiatres, calquée sur le modèle des infirmiers en pratique avancée (IPA). Ce glissement est documenté par les rapports de la Cour des comptes, de la CNAM, de l’Académie de médecine et du Ministère de la Santé.
Les psychologues et les psychiatres, partout où ils sont amenés à travailler ensemble et contrairement à ce que vous décrivez, savent tout à fait travailler en bonne intelligence et depuis longtemps pour peu qu’ils se respectent dans la complémentarité de leurs compétences. Le refus de « Mon soutien psy » s’inscrit dans le désir de maintenir ce lien précieux au bénéfice des patients et de leurs proches.
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Une attaque contre la logique institutionnelle et pluridisciplinaire
Le dispositif repose sur une vision néolibérale des soins psychiques : morcelée, individualisée, fragmentaire et à moindre coût. Il prétend que la juxtaposition de professionnels libéraux suffirait à remplacer le travail collectif mené en institution, où se construit une prise en charge pluridisciplinaire, transversale, fondée sur la continuité et la complexité du lien avec le patient. Or, certaines souffrances ne peuvent être comprises ni accompagnées sans ce maillage institutionnel. Le psychologue libéral n’est pas l’ennemi de l’institution, mais il ne saurait en devenir le substitut appauvri.