Chronique du 4 août 2025
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De l’incapacité du gouvernement à définir les psychologues
Cyrille LE JAMTEL, Psychologue, Docteur en psychologie, Co-dirigeant du M3P
La définition dans la loi du titre de psychologue a 40 ans (1). La liste des diplômes permettant d’en faire usage prend dès lors 5 ans à être publiée(2). Depuis cette période et malgré de multiples modifications de leur statut, de leur autonomie ou encore de leur déontologie, les psychologues n’ont jamais fait face à une aussi profonde remise en cause de leurs prérogatives et de leur indépendance professionnelle, que celle que l’on observe depuis environ 5 ans. Les sujets de préoccupations sont multiples et plusieurs mouvements ou collectifs de professionnels ont émergé, pointant chacun à leur manière les risques multiples qu’encourent non seulement les psychologues mais aussi et c’est tout aussi dramatique les usagers de la psychologie.
Dégradation du service public, difficultés d’accès au psychologue, dispositif inefficace et inadapté de remboursement par la CPAM, risque de réglementation de la profession et /ou de création d’une instance ordinale sans réelle participation des organisations de psychologues.
Psychologue, j’ai appris à l’Université à promouvoir l’indépendance professionnelle de ma profession et son autonomie, me permettant de décider des modalités théoriques et pratiques de mes interventions. Même si ce combat n’est pas perdu d’avance, force est de constater que les attaques se multiplient, obligeant les collectifs, malgré des divergences parfois fortes, à redoubler d’efforts et à toujours pousser ensemble leur rocher tel Sisyphe.
Comment ne pas s’interroger sur les raisons de ce que nous pourrions qualifier de mépris des psychologues affiché par l’exécutif, jusqu’à ses plus hautes sphères. On peut se référer à la réponse d’Emmanuel Macron, le 13 mai dernier, à la journaliste Salomé Sacqué, lors de son intervention télévisée. L’incapacité du gouvernement à comprendre les enjeux de la psychologie repose en grande partie sur son incapacité à entendre les revendications des professionnels. Là où un quasi-consensus perdure autour du boycott du dispositif Mon soutien psy, le Ministère de la santé et la CPAM se glorifient de la réussite de ce dispositif pourtant fortement discriminatoire.
La plus grande des difficultés et qui s’avère être la source de bon nombre de ces problèmes est la méconnaissance du statut , du rôle et de la fonction des psychologues libéraux ou en institution.
Plus que jamais le psychologue fait figure d’OPNI : Objet Pensant Non Identifié.
Lors d’une session de question au gouvernement du 5 décembre 2023(3), la députée Charlotte Parmentier-Lecocq interpelle le garde des sceaux, sur la nécessité d’élargir aux psychologues la dérogation au secret professionnel dont bénéficient les professionnels de santé en matière de signalement de violences conjugales. En effet, la loi(4) permet au médecin ou à tout autre professionnel de santé de porter à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple, lorsqu’il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger
immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences, y compris sans l’accord de la victime, mais avec l’obligation de l’en informer.
Comme l’indique la députée « Cette mesure était nécessaire car les victimes de violences conjugales, souvent sous l’emprise de leur conjoint ou compagnon, se trouvent parfois dans un état de sidération voire de terreur et ne sont pas toujours en capacité de consentir ».
Cette dérogation au secret professionnel ne vise que les professionnels de santé, ce qu’il faut comprendre ici de manière restrictive par professionnels intervenant dans le champ de la santé et inscrit dans le Code de la Santé Publique, (professions médicales et paramédicales). Cette définition ne tient pas compte de bon nombres d’autres professionnels (parmi lesquels les psychologues ou les assistants sociaux), qui sont eux aussi soumis au secret professionnel et de fait concernés par cette dérogation. La question porte donc à juste titre sur la possibilité d’élargir cette dérogation au secret professionnel aux psychologues. Possibilité que d’aucun considèrent comme indispensable car la.le psychologue est soumis.e à des conditions de respect mais aussi de révélation du secret professionnel précisées dans le Code Pénal (5).
Le refus d’accorder cette dérogation aux psychologues s’accompagne d’une réponse du Ministre de la Justice qui témoigne une nouvelle fois de cette même incompréhension et de l’absence de volonté d’échanger avec les psychologues. « L’extension de la levée du secret professionnel aux psychologues en matière de violences conjugales, dans les conditions fixées à l’article 226-14 3° du code pénal, impliquerait des échanges avec l’ensemble des corps professionnels concernés, parmi lesquels les différentes organisations de psychologues (associations, syndicats, organisations nationales ».
Alors même que le gouvernement s’évertue à vouloir paramédicaliser les psychologues, via son dispositif Mon Soutien Psy, il choisit délibérément de les considérer comme ne faisant pas partie de cette catégorie (ce qui s’avérerait positif) mais pour nier une nouvelle fois leur compétence et leur autonomie, inscrite dans la loi mais aussi dans le code de déontologie des psychologues.
Quand seront enfin entendus les psychologues dans leur volonté de dialogue avec le Ministère de la Santé et le Ministère de l’Enseignement Supérieur, dont ils dépendent. Nous sommes nombreux à affirmer qu’il n’est pas possible de définir ce que sont les psychologues, sans que le Gouvernement n’accepte un dialogue avec ces professionnel.les qui rappelons-le sont des professionnel.les de l’écoute.
Jusqu’à preuve du contraire !
(1) Article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social.
(2) Décret n° 90-255 du 22 mars 1990 fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue.
(3) Question n°10041 : Dérogation au secret professionnel pour les psychologues – Assemblée nationale
(4) Loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales