Contre la téléréalité de la psychothérapie

Contre la téléréalité de la psychothérapie :

défendre l’éthique et la dignité du soin psychique

L’Association M3P – Mouvement des Psychologues Cliniciens et Psychologues Psychothérapeutes exprime sa ferme opposition au projet annoncé par France Télévisions, intitulé « Rendez-vous chez le psy », qui prévoit la diffusion de véritables séances filmées, sans filtre ni médiation.

Une telle initiative constitue une atteinte directe à l’éthique de notre profession et viole plusieurs principes fondamentaux du Code de déontologie des psychologues :

• Article 2 : respect de la dignité et de la liberté de la personne, mis à mal par l’exposition publique de la souffrance psychique ;
• Article 3 : respect du secret professionnel, rendu impossible par la diffusion médiatique des séances ;
• Article 5 : interdiction d’instrumentaliser la pratique psychologique à des fins étrangères à ses objectifs, bafouée par la logique de spectacle et de rentabilité ;
• Article 9 : exigence d’un consentement libre et éclairé, incompatible avec la vulnérabilité propre à la situation thérapeutique et la pression d’une mise en scène télévisuelle.

Sous couvert de « déstigmatisation », ce projet réduit la complexité du soin psychique à un produit de divertissement. Il banalise la souffrance, crée une confusion auprès du public sur ce que signifie réellement « aller chez le psy » et exploite la parole du patient dans une logique de divertissement.

Il banalise la souffrance, crée une confusion auprès du public sur ce que signifie réellement « aller chez le psy » et exploite la parole du patient dans une logique de divertissement. Le recours à un format immersif, marqué par l’usage de caméras 360° censées se faire oublier, reprend sciemment les codes des télé-réalités d’enfermement : il met en scène une illusion d’intimité qui, sous couvert de transparence, nourrit un voyeurisme propre aux dispositifs de mise en spectacle.

Cette prétendue neutralité technique feint d’effacer la médiation du cadre, alors même que le format lui-même infléchit la rencontre, modifiant subtilement les interactions et rappelant que l’objectivation d’une situation dite « clinique » n’échappe jamais aux effets du dispositif qui la produit.

Nous alertons également sur la représentation biaisée de notre profession :

• Focalisation sur des modèles de thérapies brèves dominés par les TCC, invisibilisant la pluralité des approches (psychanalytiques, systémiques, humanistes, etc.) ;
• Absence totale des psychologues exerçant en institution, pourtant au cœur du service public et auprès des publics les plus fragiles ;
• Mise en avant exclusive du cabinet libéral, qui n’est pas anodine : elle participe d’une stratégie politique plus large de promotion du dispositif MonSoutienPsy, symbole d’une vision néolibérale des soins psychiques, centrée sur la rentabilité, la standardisation et la réduction du soin à une prestation calibrée.

Nous affirmons que la psychothérapie est une pratique exigeante, fondée sur la confidentialité, le respect des patients et l’accueil de leur parole dans un cadre protégé. La transformer en spectacle ou en produit de consommation revient à la trahir.

Nous appelons France Télévisions à renoncer à ce projet, et les pouvoirs publics à rappeler que la souffrance psychique n’est pas une marchandise.

Nous encourageons également les psychologues, les patients et les citoyens et nos adhérents à exercer leur droit de vigilance et à saisir l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), instance compétente pour examiner ce type de dérive médiatique.

Saisine en ligne : https://www.arcom.fr/saisir-larcom