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4 juin 2025Psychologie en résistance : deux tribunes pour alerter
sur la dérive actuelle de la santé mentale en France
Les 5 et 6 juin 2025, deux tribunes publiées respectivement dans Le Monde et Le Point ont marqué un tournant dans la mobilisation des psychologues en France. Signées par des centaines de cliniciens, d’universitaires et d’enseignants-chercheurs en psychologie, elles alertent sur les dérives d’une politique de santé mentale de plus en plus encadrée par des logiques gestionnaires, au détriment de la qualité des soins psychiques.
📍 « Mon soutien psy » : un dispositif à visée économique, pas thérapeutique
👉 Tribune publiée dans Le Monde, le 5 juin 2025.
La première tribune dénonce les limites criantes du dispositif « Mon soutien psy », présenté à l’origine comme une avancée vers un meilleur accès aux soins psychologiques. Or, à l’épreuve des faits, le dispositif montre un taux d’abandon très élevé (4,8 séances en moyenne sur 8 prévues), un recours massif hors des indications prévues, et une profonde inadéquation avec les besoins des patients les plus en souffrance.
Les auteurs pointent un paradoxe dangereux : au lieu de renforcer le service public, l’État délègue à bas coût le soin psychique à une offre libérale sous-financée, contournant la complexité des troubles pour imposer un format court, standardisé, et déconnecté de la réalité clinique. Pire encore : cette orientation est assumée, et présentée comme un modèle à étendre.
📖 Lire la tribune : Archive Le Monde – 5 juin 2025
📍 « Réforme Bellivier » : vers une psychothérapie d’État ?
👉 Tribune publiée dans Le Point, le 6 juin 2025.
Le lendemain, une seconde tribune pousse plus loin l’analyse en s’attaquant à un autre chantier en cours : la réforme portée par Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale. Celle-ci vise à restreindre le remboursement des psychothérapies à une liste fermée de techniques dites « validées » (TCC, EMDR, psychoéducation…), excluant de fait l’approche psychodynamique, mais aussi toute forme de pluralisme thérapeutique.
Pour les signataires, il s’agit ni plus ni moins que d’une tentative de normalisation autoritaire des pratiques : l’État définirait ce qu’est une « bonne » psychothérapie, quels outils sont légitimes, et comment les professionnels doivent intervenir — au mépris de la diversité des approches, de la liberté clinique et des besoins spécifiques des patients.
📖 Lire la tribune : Le Point – 6 juin 2025
🚨 Un front commun de la profession
Ces deux tribunes ne sont pas isolées. Elles s’inscrivent dans un mouvement plus large de résistance à la technicisation croissante du soin psychique, à la réduction des pratiques à des protocoles standardisés, et à l’exclusion de toute réflexion subjective dans l’accompagnement thérapeutique.
La convergence des psychologues en lutte, forte de plus de 21 000 signataires, rappelle qu’un soin psychique digne de ce nom ne peut se résumer à un algorithme. Il exige du temps, de la complexité, une écoute singulière — et la reconnaissance que le psychisme ne se soigne pas comme une entorse.
✊ Pour une politique de santé mentale à la hauteur des enjeux
Ces textes ne rejettent pas l’idée d’un accès facilité aux soins, ni même le principe d’un remboursement. Mais ils rappellent avec force qu’une politique de santé mentale ne peut se construire sans les professionnels de terrain, ni contre eux.
Il est temps d’ouvrir un débat de fond, démocratique, pluraliste, respectueux des pratiques et des réalités cliniques. Parce que la santé mentale mérite mieux que des économies à court terme. Parce qu’elle engage, au fond, notre manière de prendre soin des humains.