Psychologues en libéral : affiliation CIPAV
23 septembre 2022« Vers la fin des psychologues ? MonPsy : 99,02% de la population n’y aura pas accès selon l’association M3P » Article Docorga
17 octobre 2022Le 5 Avril 2022, le gouvernement a annoncé en grande pompe l’ouverture du dispositif MonPsySanté, mesure censée proposer un remboursement des séances pratiquées par les psychologues libéraux pour les troubles anxieux et dépressifs d’intensité légère à modérée et ce dès l’âge de trois ans.
Soucieux de leurs patients et de la préservation de la qualité des prises en charge qu’ils proposent auprès de ces derniers, les psychologues de France métropolitaine et d’Outre-mer dénoncent ce plan de communication et de séduction pré-électorale :
Avec une enveloppe de la CPAM de 50 millions d’euros pour l’année 2022, 100 millions pour 2023 et 170 millions pour 2024, moins de 2% des français pourront en bénéficier au moment où le dispositif tournera à son plein régime.
Les critères de non inclusion excluent la majorité des patients en demande que nous rencontrons en cabinet :
- Vous ne pourrez pas bénéficier du dispositif MonPsySanté si vous souffrez d’un burn-out, d’une dépression chronique, d’un deuil compliqué, de trouble anxieux généralisé, de TOCS, de troubles du comportement alimentaire, d’addictions, de troubles cognitifs, d’une maladie neurodégénérative, de troubles autistiques, de troubles de stress post-traumatique, si vous prenez un traitement un anxiolytique, antidépresseur ou un somnifère depuis plus de trois mois, si vous avez été admis en hôpital psychiatrique dans les trois dernières années ou si vous êtes en arrêt maladie depuis plus de six mois pour motifs psychologiques.
- Votre enfant de plus de trois ans, en sera également exclu dans les mêmes conditions mais également s’il rencontre les difficultés suivantes : trouble de l’oralité, dyslexie, dysorthographie, dyspraxie, angoisse de séparation, questionnement identitaire et de genre, automutilations, inhibition sociale, troubles du langage, TDAH ou harcèlement scolaire.
Le parcours du patient aura tout du parcours du combattant :
Il vous faudra d’abord justifier de votre souffrance psychique ou de celle de votre enfant auprès d’un médecin généraliste qui n’est pas un professionnel de la santé mentale tout en veillant à ne pas sortir des critères d’inclusion.
Dans ce cadre, le psychologue, qui travaille alors sous adressage, une prescription déguisée, doit obligatoirement produire un rapport au médecin adresseur. Ainsi dans le même mouvement, on créé un rapport de subordination entre deux professions qui savent travailler en bonne intelligence pour peu qu’elles se respectent dans leur pratiques et compétences respectives.
On bafoue également la notion de secret, inscrite dans notre Code de Déontologie, et qui lie intrinsèquement et tout particulièrement le psychologue en libéral avec son patient. Enfin, on inscrit durablement l’idée d’une paramédicalisation des psychologues qui, faut-il le rappeler ne font pas parties des professions médicales ou paramédicales mais sont des professionnels issus des sciences humaines et rattachés non pas au Ministère des Solidarités et de la Santé mais au Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur.
Le train est malheureusement en marche. Le gouvernement a annoncé son souhait de faire entrer les psychologues dans le code de santé publique sans à aucun moment préciser le mode d’entrée de la profession suscitant des craintes justifiées quant à la sauvegarde de l’autonomie des psychologues.
Dans ces conditions, le patient se trouve dans une position intenable d’avoir à rester vigilant à ne pas se retrouver en dehors du cadre prescrit par MonPsySanté sous peine de se voir privé du remboursement. Et si, comme on le vit sur le terrain régulièrement, une souffrance en masque une autre, plus profonde, plus invalidante, le psychologue se doit d’en référer au médecin avant d’annoncer au patient que le suivi devra s’interrompre pour qu’il soit orienté vers un autre professionnel, un autre parcours patient, un autre tunnel d’errance administrative, une autre attente insoutenable.
La relation d’accueil inconditionnel de la souffrance psychique du patient est bafouée, la relation thérapeutique dévoyée, le patient lésé.
Le « mieux que rien » est l’ennemi du bien
Dans ces conditions, vous ne pourrez pas bénéficier de vraies séances de psychothérapie, seulement d’un accompagnement psychologique de 8 séances rétribuées la moitié du tarif habituellement pratiqué en libéral. Peu de choix pour le psychologue, vivre sous le seuil de pauvreté ou renier son éthique en réduisant les temps des séances, pire encore en proposant aux patients un dépassement d’honoraire sous le manteau, formellement interdit dans le cadre de ce dispositif.
MonPsySanté est un dispositif vitrine, un plan de communication mensonger, pensé essentiellement dans une démarche de séduction électorale, symptôme du désengagement de l’Etat des structures existantes qui proposent déjà des prises en charge remboursées comme les CMP, les CMPP, les CAMSP, les CATTP notamment.
Le combat est inégal mais nous travaillons ardemment à informer les patients et nos collègues et ce malgré une communication agressive qui au mieux nous invisibilise, au pire nous fait passer pour des charlatans accrochés à leur porte-monnaie.
Nous sommes cependant tenaces et nous continuerons à nous battre pour défendre un vrai conventionnement de remboursement respectueux de notre déontologie, de la pluralité des pratiques en psychologie et des patients à qui nous le devons.
Oui au remboursement mais pas n’importe comment.
Les patients, les médecins généralistes et les psychologues méritent mieux.
Lionel Camalet, co-dirigeant de l’association M3P