
Chronique du 8 décembre 2025
7 décembre 2025Communiqué du 10 décembre 2025
Proposition de loi 385 : plus d’expertise, moins de soin ?
La PPL 385 prétend améliorer la politique de santé mentale : en vérité, elle installe un modèle centralisé du soin psychique fondé sur une expertise unique, au détriment de la pluralité des pratiques, du travail de terrain et de l’accessibilité réelle des soins.
Sous couvert d’efficience, elle entérine un paysage où quelques structures spécialisées – les Centres Experts adossés à la Fondation FondaMental – deviennent des acteurs incontournables du diagnostic, de l’orientation et, de fait, de la définition même de ce qu’est un “bon” soin.
Pour l’Association M3P, ce tournant n’est pas anodin : il redessine silencieusement la santé mentale autour d’un modèle dominant et prescriptif, scientifiquement discutable, et politiquement inquiétant.
Le modèle “expert” : un soin déporté vers des dispositifs hyper-spécialisés
La PPL 385 renforce un système où les Centres Experts, présentés comme « référence nationale », déterminent les trajectoires de soin.
Les Centres Experts réalisent principalement des bilans diagnostiques standardisés coûteux, avec un temps de prise en charge de 2 à 3 heures en moyenne, sur quelques troubles ciblés (bipolarité, schizophrénie, dépression résistante, TDAH…). Ils produisent des évaluations pointues, mais n’assurent ni suivi psychothérapeutique, ni accompagnement durable, renvoyant ensuite les patients vers des structures déjà saturées. Leur activité repose donc surtout sur l’expertise diagnostique, sans répondre aux besoins de proximité ou de continuité du soin.
Ces évaluations, parfois utiles, ne répondent pourtant ni aux besoins de proximité, ni aux suivis continus, ni aux réalités du terrain.
La réforme ne financerait pas les parcours de soin : elle financerait l’évaluation.
FondaMental : une expertise privée qui aspire des moyens publics
Les Centres Experts FondaMental bénéficient d’un soutien politique massif et durable, malgré des évaluations contestées et méthodologiquement discutables, des coûts exorbitants, et un modèle qui n’a jamais démontré sa capacité à améliorer les parcours de soin dans la durée.
La PPL 385 renforcerait encore ce rôle central, sans débat public, sans transparence, et sans évaluation indépendante.
L’argent public doit répondre aux besoins de la population, pas consolider des dispositifs d’expertise coûteux, opaques et déjà contestés.
Une pluralité sacrifiée
En privilégiant ces centres spécialisés, la PPL marginalise de facto les approches psychothérapeutiques plurielles : systémiques, humanistes, TCC, intégratives, psychodynamiques, etc.
Or la pluralité est un pivot du soin, non une option : c’est une condition clinique essentielle pour rencontrer la singularité du sujet.
Un modèle unique fabrique mécaniquement de l’exclusion.
L’effet pervers : plus de diagnostics, pas de moyens pour accompagner
Loin d’améliorer les parcours, la PPL 385 risque surtout de multiplier les diagnostics sans créer de réelles capacités de prise en charge.
Concrètement :
- les évaluations et diagnostics se renforceront, mais aucun financement supplémentaire n’est prévu pour les suivis,
- les délais d’attente resteront de plusieurs mois, parfois plus d’un an, pour accéder aux CMP, CMPP etc. surchargés,
- les personnes recevront un diagnostic “supplémentaire”, mais pas de place, pas de continuité, pas de suivi durable,
- la réforme ne crée ni temps clinique, ni postes, ni structures de proximité capables d’accompagner les situations complexes.
Autrement dit : on renforce l’évaluation diagnostique mais pas le soin.
Et pour les patients, cela signifie davantage d’attentes, de ruptures et de solitude face aux difficultés.
Un risque démocratique majeur
La Fondation FondaMental occupe déjà une position d’influence importante, à la fois universitaire, médiatique et politique. Leur vision ne peut devenir la seule voix autorisée à structurer la santé mentale.
Confier la définition du soin psychique à une expertise unique – privée et traversée d’enjeux de conflits d’intérêts – fragilise les équilibres démocratiques de la santé publique.
L’Association M3P rappelle une évidence clinique et démocratique :
La santé mentale doit rester plurielle, accessible, continue et ancrée dans la réalité des Français. La PPL 385 ne répond pas aux besoins de la population : elle répond à une logique d’expertise centralisée qui fait peu de place à la clinique, à la rencontre, au travail de terrain et à la diversité des pratiques.
L’Association M3P ne s’oppose ni à la science ni à la recherche : elle défend une connaissance vivante, ouverte et articulée à la clinique comme aux besoins des patients. Notre critique concerne la manière dont le modèle des Centres Experts pourrait être érigé en référence unique. Leur statut public et leurs financements appellent transparence et débat.
Nous le rappelons simplement : la science doit éclairer le soin, pas le remplacer.
L’Association M3P :
- que cette proposition de loi 385 soit retirée,
- que la pluralité des approches psychothérapeutiques soit garantie,
- que les politiques publiques intègrent la diversité des professionnels et des savoirs,
- que les financements soutiennent les lieux de proximité, pas les vitrines d’expertise,
- que tout projet de réforme fasse l’objet d’un débat transparent et contradictoire.
Lien vers la pétition à signer : https://www.change.org/p/contre-le-d%C3%A9mant%C3%A8lement-de-la-psychiatrie-publique-contre-le-projet-de-loi-n-385
Lien vers le texte de la PPL 385 : https://www.senat.fr/leg/ppl24-385.html
